Le SDRA, plus longuement dit le « syndrome de détresse respiratoire aigue », est la forme de défaillance pulmonaire la plus grave, puisque sa mortalité avoisine les 50%.
Concrètement, qu’est ce que c’est? Le SDRA est en fait un oedème pulmonaire lésionnel, la lésion qui nous intéresse ici, directe ou indirecte, touchant la membrane alvéolo capillaire.
Il existe une définition bien précise du SDRA, selon le consensus de 2011, qui regroupe 4 critères :
- insuffisance respiratoire aigue évoluant depuis moins de 1 semaine,
- oedème alvéolaire (c’est-à-dire poumons blancs à la radio),
- avec une hypoxémie (objectivée par la mesure de PaO2/FiO2 < 300 en PEP (pression expiratoire positive) de 5 cmH2O, avec 3 grades de sévérité,
- sans défaillance ventriculaire gauche (l’OAP n’est pas cardiogénique! On peut voir ça idéalement sur le cathétérisme cardiaque droit, une PAPO mesurée < 18 mmHg reflétant une pression dans l’oreillette gauche normale. Mais en pratique courante, le calcul de la FEVG à l’écho ou le BNP est très bien)
Quels mécanismes peuvent engendrer des lésions de la membrane alvéolo capillaire et donner un SDRA ?
Savoir que la plupart des causes de SDRA sont infectieuses. Une lésion directe intéresse plutôt la cellule épithéliale pulmonaire, et une lésion indirecte attaque plutôt la cellule endothéliale.
Parmi les causes pulmonaires de SDRA, on distingue les pneumonies infectieuses, l’inhalation de liquide gastrique (syndrome de Mendelson), noyade, inhalation de fumées ou caustiques, contusion pulmonaire, hyperoxie, brûlures bronchiques étendues, chirurgie thoracique.
Parmi les causes extra pulmonaires de SDRA, on distingue les sepsis ggraves et choc septique, la pancréatite aigue, une rhabdomyolyse étendue, un polytraumatisé (Beaujon bonjour!), une CIVD, une éclampsie…
Les diagnostics différentiels principaux du SDRA sont :
- OAP cardiogénique
- exacerbation d’une fibrose interstitielle diffuse
- forme aigue de pneumonie intersitielle
Passons maintenant au coeur du problème! Quelle est la physiopathologie du SDRA? Nous savons qu’il s’agit d’un oedème lésionnel pulmonaire se développant suite à une agression directe ou non du parenchyme pulmonaire.
Les différentes phases sont :
- phase exsudative
Suite à l’agression, on observe des lésions majeures de la barrière alvéolo capillaire, avec nécrose des pneumocytes 1 et 2. Survient de suite la libération de médiateurs inflammatoires et afflux de leucocytes (notamment les polynucléaires neutrophiles). La lésion des cellules alvéolaires et endothéliales, ajoutée aux médiateurs de l’inflammation provoque une perte de fonction de la barrière alvéolo capillaire (qui sépare les alvéoles des capillaires), permettant le passage de liquide plasmatique dans les alvéoles. Des membranes hyalines, composées de cellules mortes, de protéines plasmatiques, de surfactant défectueux, se nichent dans l’espace alvéolaire, empêchant les échanges gazeux et provoquant une atélectasie. La compliance du poumon est diminuée, les patients ont l’impression d’étouffer.
Il y a également activation des systèmes de coagulation, fibrinolyse avec prédominance d’un état pro coagulant, entrainant la formation de micro thrombi pulmonaires, ce qui explique l’HTA pulmonaire et l’effet espace mort (zone ventilée mais non perfusée) qui peuvent se développer.
Suite à la nécrose des pneumocytes 2, qui produisent le surfactant, la compliance pulmonaire s’effondre, avec collapsus des alvéoles terminales et atéléctasies.
L’hypoxémie retrouvée dans le SDRA est liée à :
- la perte massive du volume pulmonaire aéré (à cause de l’oedème, l’inflammation, l’atélectasie et certains facteurs aggravants comme le décubitus dorsal prolongé, bilan hydrique positif…), menant à un effet shunt et donc une hypoxémie.
- l’hypoxie provoque une vasoconstriction pulmonaire, avec pour conséquence une HTAP et surcharge du ventricule droit.
L’hypoxémie s’accompagne d’hypercapnie, de dyspnée.
2. phase de fibro prolifération
Elle apparait au 5-8e jour. C’est la phase de réparation tissulaire, avec entrée en jeu des fibroblastes. Ils travaillent dur et synthétisent le collagène. Les pneumocytes se restructurent. En cas de suractivation de cette phase, la fibrose apparait (si très importante, SDRA non résolutif à 7-10j, avec persistance d’une dépendance au respirateur, hypoxémie, baisse de compliance…). Cependant, malgré cette phase, la tachypnée, la dyspnée et l’hypoxémie ne se corrigent que très lentement. L’architecture pulmonaire reste modifiée, avec apparition d’alvéole de gros calibre (comme dans l’emphysème). Le risque de pneumothorax est augmenté. Par ailleurs, du fait de la prolifération des fibroblastes dans l’intima des vaisseaux, ces derniers sont rétrécis, voire occlus, et cela abouti à l’augmentation de l’espace mort et de la pression pulmonaire.
3. phase de résolution
Avec évacuation de l’oedème, re épithélialisation de l’espace alvéolaire.
Le traitement du SDRA, comme on peut intuitivement le penser, est une URGENCE qui doit se traiter en réanimation. Le traitement étiologique est la priorité absolue, à faire très précocement.
Ensuite évidemment vient le traitement symptomatique, qui consiste :
- en une ventilation mécanique invasive. L’objectif étant de générer une pression suffisante dans les voies aériennes pour ré ouvrir les territoires collabés, sans surdistendre les territoires normaux. L’excès de volume en fin d’inspiration étant responsable de lésions pulmonaires… L’objectif de PaO2 tourne entre 55 et 80 mmHg. Privilégier un faible volume courant (6mL/kg), une pression expi autour de 10 cmH2O, et une pression de plateau en dessous de 30 cmH2O est recommandé.
- une curarisation précoce, de 48H, associée à la sédation,
- du NO inhalé, qui ne diminue pas la mortalité, mais réduit l’hypoxémie et l’HTAP grâce à une relaxation des cellules musculaires lisses
- tout ceci en décubitus ventral prolongé (18H/24H) car cela permet la redistribution de la ventilation pulmonaire en dorsal, là où la perfusion est prédominante
- avec maintien d’un bilan hydrosodé négatif
- (les AINS, corticothérapie et surfactant n’apportent rien de plus par rapport à un placebo)
petites précisions :
- la pression expiratoire positive (PEP) a pour avantage de recruter plus au niveau alvéolaire, mais l’inconvénient controlatéral est de provoquer une distension thoracique. Boire ou conduire…
- l’utilisation de faibles volumes courants peut donner une hypoventilation alvéolaire avec acidose respiratoire
- les contraintes mécaniques imposées à l’alvéole inflammatoire par une respiration artificielle peut donner des complications telles que sur distension, fibrose, majoration de l’inflammation
Evolution du SDRA : Elle se fait vers la phase de fibroprolifération, mais aussi vers, éventuellement, des complications infectieuses (pneumonie sous ventilation mécanique notamment), ainsi que vers un coeur pulmonaire aigu (dysfonction ventriculaire droite conséquence de l’HTAP !). Un pneumothorax peut également survenir sur barotraumatisme induit par le respirateur. Et à long terme, savoir que les capacités respiratoires ne redeviennent jamais comme avant…
sources :
- KB pneumologie 2016
- http://www.cnerea.fr/UserFiles/File/national/desc-des/livre-masson-2015/respiratoire/sdra.pdf
- atlas de poche de physiopathologie de Stefan Silbernagl